Écrire l'eau
Triptyque photographique, mars 2023
Photographies, 84 x 118 cm



Écrire l’eau est un triptyque photographique réalisé au torrent du Vénéon, en Oisans. Chacune des trois images tente de capter les courants, de saisir l’instant où la lumière se dépose à la surface de l’eau. Réalisé avec une focale de 186 mm, une ouverture de 5.25 et un temps d’exposition de 1/80sec, les photographies jouent de la tension entre la netteté de la lumière et le mouvement de l’eau. Lorsque la lumière se fait dure, elle s’inscrit dans les creux, s’étire en de longs filaments sans cesse remodelés par les courants. La surface liquide devient — le temps de la photographie — la partition de son propre mouvement.
Une fois la collecte effectuée, et afin de révéler cette donnée lumineuse dans son état le plus pur, dans sa forme la plus brute, j’élabore des protocoles de décompositions. En transposant la matière sur de nouveaux supports, en détournant sa forme, en isolant certains éléments de leur ensemble complexe, je cherche à abstraire le sujet. De cette abstraction émergent des formes : celles d’une écriture de l’eau.
À l’heure où l’eau se fait de plus en plus rare, se réchauffe ou déborde, ce triptyque devient le témoin, le portrait d’une écriture vouée à disparaître. Écrire l’eau devient un acte de résistance poétique : garder trace de ce qui nous échappe, manifester de ce qui nous glisse entre les mains, saisir ces instants où l’eau sourd encore de la pierre.

Écrire l'eau, Vue d'exposition, Biennale des Commencement - Mulhouse 025, juin 2025
de façon à révéler la donnée dans son état le plus pur,
dans sa forme la plus brute,
j’élabore des protocoles de décomposition ;
en transposant la matière première sur de nouveaux supports ;
en détournant sa forme ;
en isolant certains éléments ;
en dégageant de l’ensemble complexe, les traits communs
d’un même élément qui le compose ,
je cherche à abstraire le sujet ;
dans un frôlement continu, en une caresse
[ ce geste qui en redemande toujours ]
je creuse ,
et cherche à appréhender ce qu’il y a de plus lointain ,
à saisir les ombres ;
à la recherche de cette zone de tension du rien ,
je vide,
prélève,
retire,
isole ;
cherche la source ;
une fois débarrassée des couches qui masquent le fond ,
la donnée se révèle et vient nommer sa propre matière ;
en s’extirpant ainsi ,
la data prend une valeur plastique, elle fait forme ;
et dans ce même élan vibratoire, elle devient ,
le manifeste d’un vivant
traduit en un système de signes et de symboles ;
n’étant jamais dans une équivalence parfaite
au langage initial ,
la traduction agit comme un entre deux ;
à l’intervalle entre deux systèmes voisins ,
qui ont leur cohérence propre ,
la donnée oscille ,
se cherche ,
tente des dialogues ,
des négociations ;
habite les creux
Ce texte a été écrit pour la projection-performée Perspectives Glaciaires et figure dans l’édition qui l’accompagne.
Écrire l'eau, Vue d'exposition, Biennale des Commencement - Mulhouse 025, juin 2025

Écrire l'eau, Vue d'exposition, Biennale des Commencement - Mulhouse 025, juin 2025